Soutenance de thèse de Sarah CUVELIER

La maladie cancéreuse se chronicise et pénètre l’ordre social institué, interrogeant du même coup la place du patient, acteur et sujet du soin. Avec elle, les catégories communément admises tendent à être redéfinies : bien-être, représentation du soi et relations aux autres. Les besoins spécifiques du patient sont questionnés, évalués et intégrés dans une large réflexion qui vise à lui redonner autonomie et pouvoir d’agir, à tout moment de son parcours de soin. Surgit alors l’utilité d’accompagner le patient vers son propre rétablissement, un horizon qui ouvre d’autres voies que la seule guérison. Car le cancer est chargé de représentations sociales négatives qui contribuent à stigmatiser et distinguer celui que la maladie touche. Se rétablir dans ce contexte, au-delà de vaincre les signes cliniques de la pathologie, nécessite de dépasser une condition arbitrairement attribuée. Cette thèse s’inscrit dans une tentative de description des processus psychosociaux par lesquels se structurent les rapports humains cet environnement spécifique. En étudiant un contexte d’accompagnement particulier, la relation sportive, ce travail souhaite dégager des principes interventionnels efficaces bénéficiant à la santé mentale et physique du patient pendant et après son traitement. Elle s’appuie sur les travaux prolifiques qui démontrent l’utilité de la démarche sportive en cancérologie, du point de vue de l’activité physique d’une part, mais aussi et surtout pour la dynamique sociale qu’elle participe à créer autour du patient. L’accompagnement est ici considéré comme un dispositif relationnel qui guide vers un développement psychologique de la personne. En ce sens, nous formulons l’hypothèse qu’un dispositif basé sur une relation de coaching sportif peut, durant le traitement, contribuer à limiter l’altération de l’état de santé général du patient et, en rémission, favoriser un processus psychologique intrapersonnel facilitant du même coup son rétablissement psychologique et social. La démarche expérimentale et pluridisciplinaire permet d’appréhender la complexité scientifique de l’accompagnement en cancérologie, afin d’esquisser une manière d’intervenir auprès de patients, mais aussi d’étudier et d’évaluer les effets de ces dispositifs à travers le prisme de la relation interpersonnelle. Trois essais cliniques permettent d’étudier cette relation en contexte de soin chez des patients allogreffés en oncohématologie, et des patientes diagnostiquées d’un cancer du sein. Tous trois, à travers une méthodologie mixte, questionne la relation coach-coaché et l’impact sur des variables caractéristiques d’un bien-être psychologique. Les résultats préliminaires font apparaître l’existence d’un processus interne préfigurant un fonctionnement psychologique et social positif. Ces dispositifs expérimentaux ont permis de caractériser les variables de résultat pertinentes, mais il reste à décrire les dynamiques interpersonnelles sous-jacentes qui définiront les dimensions d’une relation sportive de qualité dans ce contexte particulier. D’un point de vue plus général, nous avons aussi été amenés à interroger la dimension sportive de notre proposition, et notamment de son incidence du point de vue relationnel et symbolique. Les résultats ont montré que la place et le rôle du coach sportif revêt une fonction différenciante, que ce soit dans les représentations mais aussi dans la réalité de l’interaction. Ainsi, la situation sportive semble ouvrir de nouvelles opportunités de mise en relation en oncologie. Le champ d’étude des relations interpersonnelles appelle à considérer avec intérêt le contexte relationnel pour mieux décrire et développer les modèles compréhensifs. Au-delà de l’intérêt scientifique et épistémologique, ce travail trouve une application clinique immédiate, et ceci en permettant de diversifier les modalités d’intervention et d’accompagnement tout au long du parcours de soin.

Cancer, as a chronic disease, penetrates the social order, questioning at the same time the patient’s role and place. The commonly accepted categories tend to be redefined: well-being, representation of the self and relations with others. The patient’s specific needs are questioned, evaluated and integrated into a broad reflection which aims to give him/her back his/her autonomy and empowerment, at any moment of his/her care journey. The opportunity to support the patient towards recovery arises and could be seen as a horizon that opens up other paths than just healing. Indeed, cancer is laden with negative social representations that contribute to stigmatising the person affected by the disease. To recover requires overcoming an arbitrarily attributed condition, beyond overcoming the clinical signs of the pathology. This thesis is part of an attempt to describe the psychosocial processes by which human relationships are structured in this specific context. By studying a particular situation of support, the sports relationship, this work aims to identify effective intervention principles that benefit the mental and physical health of the patient during and after treatment. It is based on the prolific work which demonstrates the usefulness of the sports approach in cancerology. On one hand, from the point of view of physical activity, but also and above all for the social dynamic it helps to create around the patient. The support is here considered as a relational device which guides towards a psychological development of the person. In this sense, we formulate the hypothesis that a device based on a sports coaching relationship might, during treatment, contribute to limit the alteration of the patient's general state of health and, in remission, favour an intrapersonal psychological process facilitating at the same time psychological and social recovery. The experimental and pluridisciplinary approach allows us to understand the scientific complexity of cancer care, in order to outline a way of intervening with patients. It also allows to study and evaluate the effects of these devices through the prism of interpersonal relationships. Three clinical trials are studying this relationship in the context of care in haematological stem cell transplanted patients and patients diagnosed with breast cancer. All three, using a mixed methodology, question the coach-patient relationship and the impact on variables characteristic of psychological well-being. Preliminary results show the existence of an internal process prefiguring positive psychological and social functioning. These experimental propositions have made it possible to characterise the relevant result variables, but it remains to describe the underlying interpersonal dynamics which will define the dimensions of a quality sports relationship in this particular context. More broadly, we have also been questioning the sporting dimension of our proposal, from a relational and symbolic point of view. The results showed that the place and role of the sports coach has a differentiating function, both in representations and in the reality of interaction. Thus, the sporting situation seems to open up new opportunities for “starting and being in a support relationship” in oncology. The field of interpersonal relations calls for an interesting consideration of the relational context in order to better describe and develop comprehensive models. Beyond the scientific and epistemological interest, this work finds an immediate clinical application by diversifying the modalities of intervention and support throughout the course of care.