Programme
Ce programme est porté par le collège doctoral d'AMU (avec la DFD en support organisationnel) et par quatre unités de recherche d'AMU:
1. Laboratoire de droit des médias et des mutations sociales (LID2MS), EA 4328
2. Laboratoire de théorie du droit (LTD), EA 892
3. Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale, Méditerranée (TELEMME), UMR 7303
4. Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires (PIIM), UMR 7345
Il a pour ambition de conduire une réflexion épistémologique interdisciplinaire et intersectorielle sur quelques concepts partagés par diverses disciplines participant aux différents secteurs représentés au sein d'Aix-Marseille Université.
Les intervenants sont, sauf exception, des enseignants-chercheurs d'AMU, des chercheurs liés à des unités de recherche d'AMU et des doctorants d'AMU.
Que de fois, le champ sémantique d'une notion commune à plusieurs domaines scientifiques a-t-il une dimension variable ! Il existe certes des cas où son sens est univoque, quelle que soit la discipline qui en use. Parfois, il n'y a aucun recouvrement entre des significations, et la polysémie du terme confine à l'homonymie. Mais bien souvent le sens d'un terme dans une discipline ne recouvre que partiellement celui que ce même terme a dans des disciplines voisines. Cette ambiguïté est susceptible de fragiliser la communication et la collaboration interdisciplinaire, entraînant des malentendus ou conduisant à énoncer des généralités et des banalités, seules capables de susciter un consensus et de masquer les incompréhensions.
Une recherche qui se veut véritablement interdisciplinaire implique, au préalable, que les différentes disciplines souhaitant concourir à la compréhension du complexe se «syntonisent » avant toute prétention à l'action concertée et partagée.
« Inter+sections » est une proposition à réfléchir à cette « mise en résonance » trop rarement étudiée et travaillée. Car, si l'interdisciplinarité à l'intérieur de grands secteurs disciplinaires est une pratique courante, rares sont les études impliquant des chercheurs provenant de secteurs différents, notamment celles qui permettraient aux représentants des sciences « dures » de travailler avec des représentants des sciences humaines et sociales.
Au-delà de cette intention épistémologique, le programme vise également à perméabiliser les échanges entre les différents champs de la connaissance de façon à engager leur collaboration dans l'étude de questions plus complexes susceptibles de les faire intervenir ensemble. Comment, en effet, envisager de « l'inter » sans qu'il y ait tout d'abord « rencontre » ?
L'objectif final de la table ronde est donc la prise de conscience de la signification des concepts pour chacun, prise de conscience préalable à tout travail en commun ; loin de l'« annexion épistémologique » d'une discipline par une autre, il s'agira de contribuer à une ouverture permettant un vrai dialogue et des partenariats équilibrés, tout en demeurant lucides sur la spécificité propre à chaque discipline et sur les limites que cela implique. Les débats auxquels les différentes communications donneront lieu auront ainsi une importance majeure pour atteindre cet objectif.
TABLE-RONDE 1 : "RESEAUX"*
- Alain Barrat, physicien
- Claire Bidart, sociologue
- Viktor Jirsa, neuroscientifique
- Hervé Isar, juriste
- Thierry Mouthuy, informaticien
Le diminutif latin « retiolum », dont les premières traces écrites remontent au IIe siècle, et qui signifie « petit filet de pêche ou de chasse de menu gibier », est à l'origine du terme « resel » en français ancien (ca. 1180), avec la même signification. Celle-ci a été conservée par « réseau », évolution de « resel » datant des années 1300. Appartenant dès sa naissance et pendant des siècles au vocabulaire spécialisé de la chasse et de la pêche, où il désignait un objet modeste, rien ne laissait prévoir un enrichissement progressif débouchant sur la polysémie actuelle de « réseau ». C'est son entrée dans le champ de l'anatomie et de la médecine, au XVIIIe siècle, qui amorce un élargissement de son champ sémantique qui se poursuivra jusqu'à nos jours. Le sens anatomique du XVIIIe d'« entrelacs de nerfs et de vaisseaux », inspiré par l'aspect visuel du maillage textile, s'enrichit par la connaissance de la circulation du sang à l'intérieur des vaisseaux : le corps humain est ainsi pensé en termes de réseau, à la fois ensemble de liens et mécanisme de circulation sanguine. Mais la véritable éclosion de nouvelles acceptions se produit à partir du XIXe siècle, poussée certainement par l'école saint-simonienne. Partant de l'image du réseau anatomique à double principe (multiplicité des relations et circulation), le réseau devient pour les saint-simoniens une façon de penser la planification sociale. Rapidement dans certains cas, plus tardivement dans d'autres, « réseau » enrichit alors son faisceau de significations, par des acceptions qui évoquent à la fois entrecroisements, nuds, liens, communication, interaction, transmission, et qui articulent la fluidité de l'élément circulant et la stabilité de la structure qui rend possible cette circulation. Il devient un terme spécialisé et souvent irremplaçable dans des domaines très divers de la connaissance et de l'action. Pensons ainsi aux réseaux de communication (routière, ferroviaire, télégraphique, téléphonique, radiophonique, informatique), au réseau neuronal, au réseau hydrographique, au réseau urbain, au réseau sémantique, au réseau commercial, au réseau d'atterrissage d'un aéroport, au réseau de distribution (d'eau, de gaz, d'électricité...), aux formes variées du réseau social (réseau d'espionnage, de parenté, de connaissances, d'« amis » de facebook...). Dans certains cas, « réseau » se rattache principalement à la structure de l'objet d'origine, comme le réseau de diffraction et le réseau cristallin. Au-delà, l'intérêt majeur du réseau se trouve dans son mode d'organisation spécifique : celle-ci, fondée sur la connectivité horizontale, s'oppose à la pyramide et, tout en possédant une structure, exige, par sa nature dynamique, de la flexibilité. Tout en faisant ce chemin, le sens initial de petit filet a disparu du parler courant et ne demeure aujourd'hui que dans le langage poétique. Les interventions et les débats pourront porter sur différents aspects des réseaux : Quelles sont les caractéristiques propres à chaque type de réseau ? Quelles en sont les propriétés communes ? Quelle est la nature des liens dans des réseaux qui relèvent de différents domaines ? Qu'apporte aux diverses disciplines la capacité de formalisation que donne le réseau ? Existe-t-il une dynamique spécifique à tel ou tel type de réseau ? Dans quels cas l'optimisation de la forme d'un réseau est-elle une notion pertinente ?