Soutenance de thèse de Céline BINTEIN

Par son exploration des formes génériques du cinéma américain, comme celles du mélodrame et du biopic, Todd Haynes ne cesse d’interroger film après film les normes et les structures de la représentation cinématographique. À travers un jeu, qui relève d’une forme de postmodernité, de citations directes ou indirectes, de pastiches, de transpositions, et d’hybridations, les codes de la représentation des identités sont ainsi à la fois explorés, questionnés et détournés au profit d’une critique des discours dominants qui pèsent sur la construction des identités de genre, mais aussi de sexualité, de race et de classe. Todd Haynes puise dans les formes et les styles d’un passé cinématographique une inspiration qui lui permet de redonner vie aux images du passé de l’Amérique, dans un geste qui ne relève absolument pas selon nous d’une nostalgie formaliste. La résurrection du passé vise toujours chez Haynes à éclairer d’une manière critique les mécanismes de contrôle et de surveillance qui pèsent, au passé comme au présent, sur les subjectivités, sur la dialectique de leurs désirs intimes et de leurs identités sociales, et à rendre visibles ceux et ce que l’histoire de l’Amérique et celle de son cinéma se sont employées à invisibiliser. Pour éclairer la dimension esthétique et politique de cette traversée des genres, des formes, des lieux et de l’histoire du cinéma, nous proposons de faire appel à la notion de poétique trans-formiste : aux injonctions fixistes et essentialistes véhiculées par les stéréotypes sociaux comme cinématographiques, Todd Haynes ne cesse d’opposer les motifs du difforme, du polymorphe et de l’informe, qui relient toutes les expérimentations formelles du réalisateur à une critique politique des normes instituées par les pouvoirs dominants.

Through his exploration of the generic forms of American cinema, such as melodrama and biopic, Todd Haynes never ceases to question film after film the norms and structures of cinematographic representation. Through a game that is part of a form of postmodernity of direct or indirect quotations, pastiches, transpositions, and hybridizations, the codes of the representation of identities are thus at the same time explored, questioned and diverted to a criticsm of the dominant discourses that weigh on the construction of gender identities, but also of sexuality, of race and class. Todd Haynes draws inspiration from the forms and styles of a cinematic past that allows him to bring back to life the images of America's past, in a gesture that we believe is absolutely not a purely formalistic nostalgia. Haynes' resurrection of the past always aims to shed critical light on the mechanisms of control and surveillance that weigh, in the past and present, on subjectivities, on the dialectic of their intimate desires and their social identities, and to make visible whoever and whatever the history of America and its cinema have endeavoured to invisibilize. To shed light on the aesthetic and political dimension of this crossing of genres, forms, places and the history of cinema, we propose the notion of trans-formist poetics: to the fixist and essentialist injunctions conveyed by social and cinematographic stereotypes, Todd Haynes does not cease to oppose the motifs of the deformed, the polymorphic and the formless, which link all the formal experiments of the director to a political criticism of the norms instituted by the dominant powers.....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................