Soutenance de thèse de William KELS

Cette thèse se propose d’étudier la façon dont s’est constituée, sur la ruine des doctrines du « caractère » ressortissant à la « peinture de mœurs » (imitatio morum) une théorie du « type » de 1750 à 1830. Une juste interprétation de ce problème demande de se confronter aux bouleversements artistiques, scientifiques et philosophiques que connaît la période. L’examen des théories dites du « modèle idéal » à partir de 1746 (Batteux) met en évidence une renaissance de la doctrine néoplatonicienne et une remise en cause radicale de son « idéalisme ». La notion de « modèle » et le principe d’« imitation de la belle nature » édicté par Batteux trouvent de manière inattendue dans le concept d’« espèce » et dans les hypothèses de Buffon relatives à la génération une justification paradoxale en ce qu’elle permet d’asseoir les fondements d’une théorie matérialiste de l’imitation dont Diderot est le principal maître d’œuvre. De l’interprétation biologique du concept de « modèle idéal » en « moule intérieur », et de l’Idée en espèce, découle une reconfiguration de l’opposition du général et du particulier qui donne droit à une représentation des individus, jusqu’alors censurée. À l’Idée inengendrée et parfaite se substitue une pensée de l’espèce dont l’existence ne peut être appréhendée que dans l’observation des individus qui la composent en s’engendrant. La poétique traditionnelle expliquait la formation des Caractères par la fable de Zeuxis composant le général par choix des parties éparses dans des modèles particuliers. La théorie moderne des Types voit en Zadig, philosophe herméneute des individus, la fable des poétiques de la recomposition des espèces disséminées dans les temps.

This thesis proposes to study the way in which a romantic theory of the "type" was constituted from 1750 to 1830. The chapter that treatises and poetics devote to the "imitation de mœurs" (imitatio morum) is the crucible of a real paradigm shift. A correct interpretation of this problem requires confronting the artistic, scientific and philosophical upheavals of the period. The study of the "modèle idéal" theories that develop from 1746 highlights both a renaissance of the Neoplatonic doctrine, and a radical challenging of its "idealism". The notion of "modèle" and the principle of "imitation de la belle nature" enacted by Batteux unexpectedly find in the concept of "species" and in Buffon's hypotheses relating to the generation a paradoxical justification inasmuch as it makes it possible to establish the foundations of a materialist theory of the imitation (Diderot). From the biological interpretation of the concept of "modèle idéal" into "moule intérieur", and from the Idea into species, follows a reconfiguration of the traditional opposition between the general and the individual, which gives right to a representation of "individuals" until then censored. To the unrepentant and perfect Idea is substituted a thought of the species whose existence can be apprehended only in the observation of the individuals who compose it by being engendered. Traditional poetics, to explain the formation of the characters, found in the fable of Zeuxis the method of composition of the general by choice of parts scattered in particular models. The modern theory of the types finds in Zadig, philosopher of the individual, the fable of the poetics of the recomposition of the species scattered in the times.