Ecole Doctorale

Sciences de la Vie et de la Santé

Spécialité

Biologie-Santé - Spécialité Pathologie Vasculaire et Nutrition

Etablissement

Aix-Marseille Université

Mots Clés

accident nucléaire,risque sanitaire,iodure de potassium,blocage réitéré,thyroïde,métabolomique

Keywords

nuclear accident,health risk,potassium iodide,repeated blockage,thyroid,metabolomics

Titre de thèse

Evaluation métabolomique du blocage réitéré de la thyroïde par l'iode en situation d'accident nucléaire : application chez le rat, étude BPL chez le chien
Metabolomic evaluation of repeated iodine thyroid blockade in condition of nuclear accident: application in rats, GLP study in dogs

Date

Tuesday 25 June 2019 à 14:00

Adresse

Faculté des sciences médicales et paramédicales - Bâtiment Médecine 27 boulevard Jean Moulin 13385 Marseille cedex 05 France Salle de Thèse n°2

Jury

Directeur de these M. Jean charles MARTIN Aix-Marseille Université
Rapporteur M. Hervé GUILLOU Université Toulouse III Paul Sabatier
Rapporteur M. Bruno LE BIZEC LABERCA
Examinateur Mme Frédérique COURANT Université de Montpellier
Examinateur M. Bernard LE GUEN EDF
CoDirecteur de these M. Maâmar SOUIDI IRSN

Résumé de la thèse

La production et la consommation d’énergie électrique d’origine nucléaire occupe une place prépondérante en France. Un parc de 58 réacteurs nucléaires permet d’assurer la production de 77% de l’électricité nationale. En cas d’accident nucléaire, des iodes radioactifs peuvent être libérés dans l’environnement et entrainer une exposition interne aux rayonnements ionisants. En l’absence de mesures de protection, cette exposition peut être à l’origine de cancers de la thyroïde en particulier chez l’enfant. En France depuis 1997, la prise d’une dose unique d’iodure de potassium stable (KI) a été mise en place pour permettre de saturer la thyroïde et empêcher la fixation des iodes radioactifs. Cependant, cette mesure de protection se heurte à une limite : les rejets d’iode radioactifs peuvent se dérouler sur plusieurs semaines comme ce fût le cas à Fukushima-Daiichi en 2011. Face à ce problème, un blocage réitéré sur plusieurs jours de la thyroïde doit être mise en œuvre afin de garantir un délai d’évacuation des zones contaminées plus confortable. Actuellement, les effets secondaires sur le long terme d’un blocage réitéré de la thyroïde sont peu connus. Nous avons utilisé l’approche métabolomique non ciblée afin d’explorer les effets d’une posologie du KI de 1 mg/kg/jour pendant 8 jours sur le rat Wistar adulte (modèle de référence) et in utero (modèle sensible) ainsi que sur le chien Beagle adulte dans le cadre d’études BPL (20, 40 ou 60 mg/kg/jour pendant 28 jours). Pour le rat adulte, les analyses montrent des changements métaboliques qui ont persisté 30 jours après la fin du traitement. La thyroïde est le tissu le plus touché avec 60% des fonctions biologiques impactées (dont les métabolismes de la tyrosine et des catécholamines). Ces modifications sont associées à des changements métaboliques périphériques (plasma et urine) incluant des marqueurs de la réponse au stress oxydant et à l’inflammation. Aucun signe clinique clair n’ayant été observé (pas de modification des taux de T4 et de T3), la réponse métabolique mesurée ne semble pas de nature pathologique mais pourrait révéler un état homéostatique modifié appelé allostasie. Il serait souhaitable de connaitre l’évolution de ces régulations allostatiques sur un plus long terme afin de juger de leur nature transitoire ou permanente. Pour le modèle rat in utero, il a été observé un déclin de performance à des tests de performance neurologique des rats traités au KI : test de nage forcé chez les jeunes femelles, test des barres en rotation chez les mâles traités au KI. Ces déclins de performances sont associés à des perturbations métaboliques (métabolismes des acides aminés et de la tyrosine) et lipidiques (lipides à DHA et lipides impliqués dans la signalisation cellulaire) dans le cortex moteur des jeunes mâles et femelles traités au KI. Seule une partie de ces modifications métaboliques est attribuable à la modification ténue du taux d’hormones thyroïdiennes mais chez le jeune rat mâle uniquement. Ces résultats tendent à montrer qu’une prise réitérée de KI chez la mère enceinte pour protéger le fœtus n’est pas une stratégie sûre et une nouvelle posologie n’induisant aucun effet secondaire doit être considérée. Dans le cadre des études BPL chez le chien, nous avons pu mettre en évidence cinq profils de réponse au KI : certaines fonctions biologiques sont modifiées dès 20 mg/kg (effet faible dose) tandis que d’autres ne le sont qu’à partir de 40 mg/kg (effet seuil). La NOAEL retenue est de 20 mg/kg en l’absence de changement du taux de TSH et les dérégulations métaboliques associées semblent se situer dans un cadre non pathologique comme pour le rat adulte. L’approche métabolique a permis de révéler des effets biologiques subtiles mais qui perdurent plusieurs semaines après l’arrêt du traitement. Ces observations sont de nature à mieux apprécier les points de vigilance pour définir avec précision les risques sanitaires d’une prise réitérée de KI.

Thesis resume

The nuclear energy is leading to supply electric power in France. A fleet of 58 nuclear reactors produces 77% of the national electricity. In the event of a nuclear accident, radioactive iodine can be released into the environment and lead to an inside body ionizing radiation exposure. In the absence of safety countermeasures, this exposure may bring about thyroid cancer, especially in children. In France, since 1997 taking a single dose of stable potassium iodide (KI) has been implemented to saturate the thyroid and prevent the intake of radioactive iodine by this gland. However, this measure of protection has limitation: the radioactive iodine releases can take place over several weeks, as was the case in Fukushima-Daiichi in 2011. To deal with this problem, a repeated blocking over several days of the thyroid should be implemented and would allow longer and safer evacuation time of contaminated areas. Currently, the long-term side effects of repeated thyroid blocking are poorly known. We used the non-targeted metabolomic approach to explore the effects of a 1 mg/kg/ day KI dosage for 8 days on the adult Wistar rat (reference model) and in utero (sensitive model) as well as on adult Beagle dogs in good laboratory practice (GLP) studies (20, 40 or 60 mg/kg/day for 28 days). For the adult rat, the analyzes showed metabolic changes that persisted 30 days after the end of treatment. The thyroid is the most affected tissue with 60% impacted biological functions (including tyrosine and catecholamine metabolism). These changes were associated to peripheral metabolic changes (plasma and urine) including markers of oxidative stress response and inflammation. Since no clear clinical signs have been observed (no change in T4 and T3 levels), the measured metabolic response did not display a pathological outcome but may reveal a modified homeostatic state called allostasis. It would be desirable to carry out a follow up in order to determine if these allostatic regulations would be transient or permanent overtime. For the in utero rat model, there was a decline in performance in neurological performance tests in KI-treated rats: forced swimming test in young females, rotational bar test in KI-treated males. These performance declines are associated with metabolic (amino acid metabolism and tyrosine metabolism) and lipid (DHA lipid and lipid involved in cell signaling) perturbations in the motor cortex of young KI-treated males and females. Only a part of these metabolic changes is attributable to the slight change in thyroid hormone levels, but only in the young male rat. These results suggest that repeated use of KI in the pregnant mother to protect the fetus is not a safe strategy and a new dosage that does not induce any side effects should be considered. In the context of the GLP studies in dogs, we have been able to highlight five KI response profiles: some biological functions were modified as low as 20 mg/kg (low dose effect) while others only appeared at of 40 mg/kg and above (threshold effect). The NOAEL retained is 20 mg/kg in the absence of any change of the TSH level, and the associated metabolic dysregulations seemed to remain in a non-pathological setting, as in the adult rat. The metabolic approach has revealed subtle biological effects that persist for several weeks after stopping treatment. These observations are likely to better appreciate the turning points associated to the health risks of a repeated iodine thyroid blockage.