Soutenance de thèse de Laurence RUEL

Le premier volet de ce doctorat est un texte littéraire qui s’organise librement autour d’un chef-d’œuvre de la sculpture, la Petite danseuse de quatorze ans , d’Edgar Degas, exposé une seule fois en 1881. Il met en tension trois existences et trois regards, ceux de l’artiste, du jeune modèle Marie Van Goethem, petit rat à l’Opéra de Paris, et de l’auteure-narratrice Laurence Ruel, connue sous le nom de Camille Laurens, son pseudonyme. Le second volet propose une analyse des conditions de création de ce texte, il en souligne les enjeux, en perspective avec d’autres textes de l’auteure ou d’écrivains qui l’éclairent, notamment Dora Bruder de Patrick Modiano. Il revient d’abord sur le genre de l’enquête auquel il appartient, fondé sur le souci de la preuve, donc sur des documents et archives qui prétendent respecter un pacte de vérité. Il se concentre sur la responsabilité morale, voire politique, de l’écrivain attaché à mettre en lumière une vie minuscule malmenée par l’histoire. Cette reconstitution lacunaire pose la question éthique et esthétique de la frontière entre fiction et non-fiction. Elle interroge la ligne de partage entre littérature et sciences humaines qui ne passe pas forcément par l’usage ou le refus de l’imagination. Le récit d’enquête n’exclut pas non plus différents modes d’implication du Je, qui vont de la présence auctoriale savante à des identifications empathiques ou fantasmatiques, troublant la frontière entre récits biographique et autobiographique. La question plus générale du statut de l’auteur se pose enfin avec des formes d’enquête collective menées par les internautes, la « faim de réel » et la fouille des archives généalogiques s’annonçant comme une tendance majeure du champ contemporain, par-delà la littérature.

The first part of this PhD is a literary text that is freely organized around a masterpiece sculpture, Little dancer aged fourteen, by Edgar Degas, exhibited only once in 1881. It puts into tension three lives and three views : those of the artist, the young model Marie Van Goethem, a “little rat” of the Paris Opera and the author-narrator Laurence Ruel (known as Camille Laurens, her pen name). The second part proposes an analysis of the conditions of creation of this text. It underlines the stakes, in perspective with other texts of the author or writers who enlighten it, in particular Dora Bruder of Patrick Modiano. It first comes back on the investigation genre to which it belongs, based on the concern for evidence, and therefore on documents and archives that claim to respect a truth pact. It focuses on the moral, even political, responsibility of the writer attached to bring to light a tiny life mishandled by history. This incomplete reconstruction raises the ethical and aesthetic question of the border between fiction and non-fiction. It questions the dividing between Literature and Humanities, which does not necessarily involve the use or refusal of imagination. The investigative narrative does not exclude different modes of involvement of the “I”, which range from the scholarly auctorial presence to empathetic or phantasmatic identifications, blurring the boundaries between biographical and autobiographical narratives. The more general question of the author’s status sis finally raised with forms of collective inquiry led by Internet users, the “hunger for reality” and the excavation of genealogic archives announcing itself as a major trend in the contemporary field, beyond literature.