Ecole Doctorale

Langues Lettres et Arts

Spécialité

ARTS : Arts de la scène

Etablissement

Aix-Marseille Université

Mots Clés

désœuvrement,résistance,fragmentaire,interstice,répétition,réflexivité

Keywords

,resistance,fragmentation,interstice,repetition,reflexivity

Titre de thèse

"Les remontées des gouffres de l'absence" : Résistance et désœuvrement dans le cinéma de Philippe Garrel
« The rise of the abyss of absence » : Resistance and "désœuvrement" in the Philippe Garrel's movies

Date

Vendredi 8 Avril 2022 à 14:00

Adresse

Faculté des arts, lettres, langues et sciences humaines d'Aix-Marseille 29, av. Robert Schuman, bât. Egger Aix-en-Provence, 13010, France D317

Jury

Directeur de these M. Thierry MILLET Aix Marseille Université
Rapporteur M. Didier COUREAU Université de Grenoble Alpes
Rapporteur M. Antony FIANT Université de Rennes 2
Examinateur Mme Nicole BRENEZ Université Sorbonne Nouvelle Paris 3

Résumé de la thèse

La fin des années 1970 marque un tournant majeur dans la filmographie de Philippe Garrel. Son cinéma à visée poétique, sa posture d'artiste marginal avaient achevé d'établir leur clôture vis-à-vis du monde extérieur. L’œuvre se voyait dépassée par les puissances artistiquement intrépides -mais pas moins menaçantes- qu'elle mettait en jeu : la précarité, la fatigue, l'immobilisation, qui participent du désœuvrement. À partir de L'Enfant secret (1979) s'amorce une transition heurtée vers des formes plus rassurantes soutenues par la narration. Le cinéaste tente d'ordonner cette part de désordre proliférant, de contenir ce « mouvement trop fort du devenir poétique » (Blanchot) qui avait fécondé certaines de ses œuvres les plus admirables : La Cicatrice intérieure (1972), Les Hautes solitudes (1974). Cette étude, qui portera sur l'ensemble de la filmographie, soutiendra le propos suivant : si l'on dépasse le constat d'une simple résurrection, on observe que les puissances désœuvrantes survivent et insistent d'autant plus dans les périodes ultérieures. Elles visent à disloquer l'unité de l’œuvre, l'épuiser dans le fragmentaire et lui conférer une épaisseur intransitive. L'œuvre se hérisse, résistant aussi bien au témoignage libérateur pour l'artiste qu'aux attentes du spectateur. Le cinéma de Garrel demeurera fiévreux, troué par l'absence et le mutisme prêts à regagner du terrain, altéré par l'impuissance à rassembler, la réflexivité et la répétition. Des films comme Elle a passé tant d'heures sous les sunlights (1985), Sauvage innocence (2001) ou encore Les Amants réguliers (2005) rendent compte de ce tiraillement : entre l’œuvre et le désœuvrement, entre l'autobiographie romanesque et le désordre fragmentaire, entre la volonté d'avancer et l'immobilisation, ou encore, entre les discours engagés qui échouent et l'engagement à travers l'échec. Nous penserons le désœuvrement -et la résistance qui lui est propre- comme une telle part de danger attachée aux profondeurs de la création, en situant la notion plus proche de l'ascétisme artistique que de l'oisiveté.

Thesis resume

The end of the 1970s marked a major turning point in the filmography of Philippe Garrel. His poetically oriented cinema and his posture as a marginal artist had completed their closure to the outside world. The work was overtaken by the artistically intrepid -but no less threatening- powers it brought into play : precariousness, tiredness, immobility, which participate in «  désœuvrement ». From L'Enfant secret (1979) onwards, there is a bumpy transition towards more reassuring forms supported by the narrative. The filmmaker tries to order this proliferating disorder, to contain this "too strong movement of the poetic becoming" (Blanchot) which had fertilized some of his most wonderful pieces of art : La Cicatrice intérieure (1972), Les Hautes solitudes (1974). This study, which will cover the entire filmography, will support the following statement: if we go beyond the observation of a simple resurrection, we observe that the idle powers survive and insist all the more in the later periods. They aim at dislocating the unity of the work, exhausting it in the fragmentary and conferring an intransitive thickness to it. The work bristles, resisting both the liberating testimony of the artist and the expectations of the spectator. Garrel's cinema will remain feverish, perforated by absence and mutism ready to regain ground, altered by the impotence to gather, reflexivity and repetition. Films such as Elle a passé tant d'heures sous les sunlights (1985), Sauvage innocence (2001) and Les Amants réguliers (2005) reflect this tug-of-war : between artwork and « désœuvrement », between novelistic autobiography and fragmentary disorder, between the will to move forward and immobilization, or again, between committed discourse that fails and commitment through failure. We will think of « désœuvrement » -and the resistance that is proper to it- as such a share of danger attached to the depths of creation, situating the notion closer to artistic asceticism than to idleness.