Soutenance de thèse de Laurent LOUATI

Durant le Quattrocento, une double dynamique s’opère progressivement dans les relations entre l'Empire ottoman et l'Occident. Celle de la persistance de leur confrontation en est l’une, surtout après la prise de Constantinople. Elle touche tout particulièrement la péninsule italienne : la prise de Rome est, en effet, le but ultime des conquêtes du Sultan comme l’explique notamment le diplomate Sagundino. Pourtant, dans le même temps, l'Empire ottoman devient un acteur incontournable du jeu politique européen. « Cosi fan tutti » a pu écrire Giovanni Ricci : l’historien italien résume parfaitement la relation, pour le moins, « ambigue» nouée par les différents Etats de la péninsule italienne avec la nouvelle puissance majeure du monde musulman à la Renaissance. Le pape Pie II va même jusqu’à lui proposer de reconnaitre la légitimité de ses prétentions à l’Empire universel en échange du baptême. Nul n’a, cependant, été aussi loin – et de manière constante - en matière de politique philoturque que les Génois au point de valoir à ses habitants, le qualificatif d’Itali Teucri. C’est, en effet, en ces termes que le roi Alphonse V d’Aragon dénonce avec véhémence la cinquième colonne du Sultan dans le camp chrétien dans une lettre datée de l’été 1456. Gênes, dont les intérêts en Méditerranée orientale sont menacés par l’avancée ottomane, est notamment accusée d’avoir aidé les Turcs lors de la bataille de Varna (1444) et surtout durant le siège de Constantinople (1453). L’analyse des sources permet d’examiner la conjoncture historico-politique et de donner une nouvelle vision de ces rapports. Ils sont à replacer dans le cadre plus large de la rivalité traditionnelle entretenue par Gênes avec Venise ainsi que des velléités italiennes et méditerranéennes d’Alphonse V d’Aragon. Enfin, l’empire ottoman est de mieux en mieux connu : le Quattrocento est celui de la rédaction des textes fondateurs de la turcologie.

During the Quattrocento, a double dynamic gradually took place in the relations between the Ottoman Empire and the West. That of the persistence of their confrontation is one of them, especially after the capture of Constantinople. It particularly affects the Italian peninsula: the capture of Rome is, in fact, the ultimate goal of the Sultan's conquests, as the diplomat Sagundino explains in particular. However, at the same time, the Ottoman Empire is becoming a key player in the European political game. "Cosi fan tutti" wrote Giovanni Ricci: the Italian historian perfectly sums up the relationship, to say the least, "ambiguous" between the different states of the Italian peninsula with the new major power of the Muslim world during the Renaissance. Pope Pius II even goes so far as to suggest that he recognize the legitimacy of his claims to the Universal Empire in exchange for baptism. No one, however, has gone so far - and consistently - in the field of philoturkish politics as the Genoese to the point of claiming its inhabitants the qualifier of Itali Teucri. It is, in fact, in these terms that King Alfonso V of Aragon vehemently denounces the fifth column of the Sultan in the Christian camp in a letter dated summer 1456. Genoa, whose interests in the eastern Mediterranean are threatened by the Ottoman advance, is notably accused of having helped the Turks during the battle of Varna (1444) and especially during the siege of Constantinople (1453). The analysis of the sources makes it possible to examine the historical-political situation and to provide a new vision of these relations. They are to be seen in the larger framework of the traditional rivalry maintained by Genoa with Venice as well as the Italian and Mediterranean ambitions of Alfonso V of Aragon. Finally, the Ottoman Empire is better and better known: the Quattrocento is that of the writing of the founding texts of Turkology.