Ecole Doctorale

Sciences Juridiques et Politiques

Spécialité

Doctorat en Science politique

Etablissement

Aix-Marseille Université

Mots Clés

Politiques migratoires,Sociologie de l'action Publique,Sociologie de administration,Marché international de l'expertise,Turquie,

Keywords

Migration Policies,Sociology of public action,Sociology of administration,Marché international de l'expertise,Turkey,

Titre de thèse

Frontières de l’État, frontières dans l’État. Jeux et pouvoirs bureaucratiques dans le gouvernement des exilés en Turquie.
Borders of the State, borders within the State. Bureaucratic games and powers in the government of exiles in Turkey.

Date

Lundi 10 Mai 2021 à 14:00

Adresse

Sciences Po Aix Espace Philippe Seguin 31 avenue Jean Dalmas 13011 Aix-en-Provence Indéterminée

Jury

Directeur de these M. Philippe ALDRIN Sciences Po Aix – MESOPOLHIS 7064
CoDirecteur de these Mme Aude SIGNOLES Sciences Po Aix – MESOPOLHIS 7064
Examinateur Mme Cécile ROBERT Sciences Po Lyon – Triangle
Examinateur M. Benjamin GOURISSE Sciences Po Toulouse - LaSSP
Examinateur M. Laurent BONELLI Université Paris-Nanterre – ISP
Rapporteur Mme Elise MASSICARD CNRS – Sciences Po Paris – CERI
Rapporteur M. Jay ROWELL CNRS – Université de Strasbourg - SAGE

Résumé de la thèse

Cette thèse contribue à l’analyse du rôle des administrations dans les processus de catégorisation et de politisation d’enjeux sociaux et à la manière dont les jeux bureaucratiques peuvent nous éclairer sur les évolutions de la trajectoire du régime politique turc. Basée sur des entretiens, des archives personnelles et de l’observation, cette étude porte sur l’action publique migratoire et les configurations d’acteurs qui la prennent en charge. A l’encontre de représentations savantes et ordinaires sur l’institution policière et le ministère de l’Intérieur turcs, peuplés de fonctionnaires passifs et acquis à la cause des partis, elle montre les rapports ambivalents et pluriels de ces fonctionnaires au politique et leur « prises aux jeux » socio-politiques à travers leur contribution à la remise en cause de frontières sectorielles dans l’État. Alors que la migration s’était progressivement stabilisée comme une catégorie de non intervention publique pour les exilés « non européens » et de « culture non turque », ces professionnels de la sécurité dominés dans l’État se sont saisi des espaces de jeu dont ils disposaient pour promouvoir un « modèle » européen dit de « gestion intégrée des frontières ». Principalement axé sur la lutte contre l’immigration et vantant les mérites de « l’analyse de risques », ce modèle d’action publique est moins modelé par Bruxelles que dans les interactions entre fonctionnaires turcs, passeurs de frontières européens venus s’installer en Turquie pour l’y traduire et autres experts réunis au sein d’enclaves bureaucratiques (« intellectuels » de la police, universitaires ou employés d’organisations internationales). Entrant directement en conflit avec le cadrage historique du secteur de la protection des frontières tourné vers la lutte contre le terrorisme et monopolisé par l’institution militaire, les savoirs promus ont placé le « bon gouvernement des migrants » au cœur de la redéfinition du « bon gouvernement de la sécurité ». L’analyse des marges d’action des fonctionnaires, de leurs stratégies d’alliances et des renversements qu’ils ont provoqués dans l’État permet de comprendre comment, dans un contexte de fluidité politique lié à la « crise de l’accueil des exilés syriens », le parti au gouvernement - l’AKP - a pu reprendre la main sur l’action publique à l’égard d’« invités indésirables ». Elle nous éclaire en cela sur l’évolution de la trajectoire du régime politique turc avec la réévaluation du pouvoir de l’institution militaire dans le champ décisionnel, le réagencement important des institutions de sécurité et le contrôle d’espaces administratifs par le gouvernement AKP. Cette entrée par les professions de la sécurité au prisme d’une sociologie de l’administration et de l’action publique est susceptible d’être mobilisée sur d’autres terrains dans une optique comparative. La réflexion sur les politiques sécuritaires ou les régimes autoritaires, dans le monde arabe notamment, a fait peu de cas de l’administration au travail. Plus généralement, cette thèse entend contribuer à l’analyse des formes d’engagement et de politisation des fonctionnaires et d’experts par l’analyse de dispositions professionnelles et extra-professionnelles au travail.

Thesis resume

This thesis contributes to the analysis of the role of administrations in the processes of categorization and politicization of social issues and how bureaucratic games can shed light on the evolution of the trajectory of the Turkish political regime. Based on interviews, personal archives and observation, this study focuses on migratory public action and the configurations of actors who take charge of it. Contrary to scholarly and ordinary representations of the Turkish police institution and Ministry of the Interior, populated by passive civil servants and committed to the cause of the parties, it shows the ambivalent and plural relationships of these civil servants to politics and their socio-political "grasping at the game" through their contribution to the questioning of sectoral boundaries in the State. While migration had gradually stabilized as a category of "non-European" and "non-Turkish culture" non public intervention for exiles, these state-dominated security professionals seized the playgrounds available to them to promote a European "model" called "integrated border management". Mainly focused on the fight against immigration and extolling the merits of "risk analysis", this model of public action is less shaped by Brussels than in the interactions between Turkish civil servants, European border-crossers who have come to settle in Turkey to translate it and other experts gathered within bureaucratic enclaves ("intellectuals" from the police, academics or employees of international organizations). Directly in conflict with the historical framework of the border protection sector oriented towards the fight against terrorism and monopolized by the military institution, the knowledge promoted has placed the "good government of migrants" at the heart of the redefinition of the "good government of security". An analysis of the margins of action of civil servants, their alliance strategies and the reversals they provoked in the state allows us to understand how, in a context of political fluidity linked to the "crisis of welcoming Syrian exiles", the party in government - the AKP - was able to regain control of public action with regard to "undesirable guests". It sheds light on the evolution of the trajectory of the Turkish political regime with the re-evaluation of the power of the military institution in the decision-making field, the important reorganisation of the security institutions and the control of administrative spaces by the AKP government. This entry by the security professions through the prism of a sociology of administration and public action is likely to be mobilized on other terrains in a comparative perspective. Reflection on security policies or authoritarian regimes, particularly in the Arab world, has paid little attention to administration at work. More generally, this thesis intends to contribute to the analysis of the forms of engagement and politicization of civil servants and experts through the analysis of professional and extra-professional arrangements at work.