Soutenance de thèse de Ingrid TAFERE

S’appuyant sur le constat de la dissolution des individualités sous le joug de l’industrialisation et la « Grande Société », Dewey dénonce déjà, au siècle dernier les effets du libéralisme comme laisser faire et de l’individualisme corrélatif, conduisant à des « individus perdus », à une « démoralisation » que l’on voit actuellement d’autant plus se déployer que le monde se complexifie, avec une explosion du taux de dépression, de souffrance au travail, de suicides, etc. Alors que d'un côté les procédures 'participatives' et les débats publics se multiplient, le taux d'abstention dans les bureaux de vote est pointé comme problème récurrent, l'absence du 'grand public' décrié, du 'citoyen lambda'. La confiance en les représentants et les institutions de notre république est sérieusement ébranlée, on parle de “crise” de la démocratie, de l’écologie, de la civilisation. La voix des citoyens a du mal à se constituer, à se faire entendre, à 'porter'. Autrement dit, les publics peinent à se constituer, alors que des individualités se sclérosent. La norme délibérative s'est peu à peu imposée comme préférable, défendant l'usage de la délibération publique pour une décision plus légitime et un renouveau démocratique. Cette thèse, basée sur un travail de terrain en philosophie et sciences sociales, sur différents dispositifs participatifs institutionnels et au cœur d’initiatives locales dans le quartier de la belle de mai à Marseille vise à montrer les insuffisances de cette démocratie “participative-délibérative”, si elle n’est adossée à la mise en place d’une véritable “démocratie sociale”, au coeur des modes de vie. Plus précisément, l’objectif est ici de comprendre comment cette « démocratie du quotidien » se fonde sur la mise en place réelle des opportunités, des ressources nécessaires au déploiement d’un autogouvernement, entendu comme gouvernement de soi/par soi basé sur le développement du pouvoir d’agir et de penser. ll s’agit de situer ces Insuffisances face aux défis contemporains que constituent les lourdes questions environnementales actuelles et les impacts des diverses activités mais aussi au-delà, c’est-à-dire concernant la possibilité d’individuation et de développement de la santé humaine Enfin, au vu de ces analyses et travaux de terrain, nous proposons des hypothèses, identifiant les normes favorables ou défavorables au développement de l'autogouvernement, à l’activité d’enquête des publics et de constitution de “prises” sur les conditions de sa propre existence, allant dans le sens d’une d’une démocratie “sociale” offrant des possibilités suffisantes d’individuation

Based on the observation that individualities had dissolved under the yoke of industrialization and the « Great Society », Dewey already denounced in the last century the effects of liberalism as Laisser faire and of the resulting individualism, leading to « lost individuals » and to a « demoralization » one can see spreading all the more since the world has become more complex, with depression, suffering at work, suicide rates rocketting. While « participative » procedures and public debate multiply, the trust in the representatives and the institutions of our republic is seriously undermined. While « participative » procedures and public debate multiply, the abstention rate in polling stations is pointed out as a recurring concern, the non-attendance of the general public is criticized, of the « ordinary citizen». Trust in the representatives and the institutions of our republic is seriously undetermined, we talk about a crisis of democracy, of ecology, of civilisation. The voice of citizens is hard to form, hard to “carry”, hard to reach. In other words, public groups struggle to build up while individuals get paralyzed. The deliberative norm has gradually come to be thought preferable, supporting the use of public debate for more legitimate decisions and a democratic renewal. This thesis, based on fieldwork in philosophy and social sciences, is about different institutional participatory devices and local initiatives in the “Belle de Mai” neighborhood of Marseille. It aims to show the inadequacies of this 'participative-deliberative' democracy, if it is not the implementation of a real "social democracy", at the heart of lifestyles. More specifically, the purpose here is to understand how this « day-to-day democracy » relies on the setting of real opportunities and the necessary resources for the implementation of self-government, meaning a government of the self/by the self based on the development of the power to act and to think. The point is to gauge these inadequacies with contemporary challenges such as the heavy environmental question, the impact of human activities, and also beyond that, the possibility to individualize and develop human health. Finally, based on field work and analysis, we’ll suggest hypotheses by identifying both the propitious and unpropitious factors for the development of self-government, for the inquiry of public groups and the empowerment of citizens in their very own existence, heading towards a « social democracy » offering enough chance for individuation.