Programme
Le séminaire intègre une des thématiques prioritaires de la MMSH « Sociétés plurielles, héritages, appartenance et conflits ». Il traite de la fabrique des mémoires en Turquie à travers les rapports qu'entretiennent le patrimoine, l'histoire et la géopolitique. En Turquie - 1934 : Atatürk annonce la transformation de Sainte-Sophie en musée ; juillet 2020 : Erdoğan ordonne sa réouverture en mosquée. A près d'un siècle d'échéance, ces deux postures à l'égard de cet héritage patrimonial rappellent les enjeux identitaires qui animent les politiques mémorielles des Etats post-ottoman. Si les mémoires nationales ont fait l'objet de nombreuses études, le cas des mémoires d'Empire soulèvent de multiples difficultés d'appréhension : privées d'unité territoriale, linguistique et/ou communautaire, elle se retrouvent morcelées en multiples lieux et acteurs. Le cas de l'Empire ottoman s'avère exemplaire : suite à son démembrement en une multitude d'Etats-nations, le passé ottoman a longtemps été relégué hors/évacué des histoires nationales et communautaires concernées. Pourtant, depuis près d'une décennie, on assiste à une vive renaissance des usages du passé ottoman dans les sociétés post ottomanes actuelles - renaissance qui prend des formes et des contours forts variables, dont on peine à comprendre les lignes force.
Derrière cette inévitable pluralité, l'héritage ottoman se propose comme repère commun. En suivant le fil conducteur d'un héritage commun, pluriel et ancré dans le temps ottoman, il devient possible de s'interroger sur les trajectoires de construction des mémoires collectives ottomanes, depuis l'époque ottomane jusqu'à aujourd'hui.
L'objectif est de comprendre de quoi les Ottomans sont (devenus) le nom ? Pour ce faire, il faut procéder à une archéologie des constructions mémorielles ottomanes d'hier à aujourd'hui, à l'échelle des anciens espaces ottomans (Turquie, Bulgarie, Grèce, Syrie, Liban, Jordanie, etc). Or, les productions mémorielles résultent de constructions volontiers ancrées dans des « lieux de mémoire » - tout à la fois objets, concepts et institutions - qui permettent de repérer le jeu des acteurs et de faire émerger le mille-feuille diachronique et synchronique des discours mémoriels.
a. Existe-t-il une catégorie arts et patrimoines « ottomans » ? Le poids des modèles occidentaux et des influences coloniales aidant, se sont construites des catégories telles que les arts turcs, arabes, islamiques, arméniens, coptes - avec leur déclinaison en patrimoine turc, arabe, etc. Et les Ottomans, dans tout cela ? La production matérielle ottomane possède-t-elle une spécificité esthétique propre ?
b. Les Etats post-ottomans ont-ils hérités de pratiques patrimoniales ottomanes ?
c. Le tourisme favorise-t-il l'émergence des mémoires collectives ottomane.